Le jeudi 11 mai 2023, la CVR a lancé les activités de protection et de marquage des fosses communes sur le site de Mashitsi. Le même travail sera ensuite effectué dans d’autres provinces du pays où la CVR a exhumé des restes humains dans des fosses communes. Les témoins qui ont gardé la tradition burundaise ont révélé à la CVR que ces lieux n’ont jamais été marqués par des arbres autres que ceux qui ont une signification memorielle dans la tradition de nos ancêtres.
Le site de Mashitsi est situé dans la commune de Gitega, près de l’entrée de l’Institut de Recherches Agronomiques et Zootechniques (IRAZ) et de l’axe Gitega-Ngozi passant par le centre de Masanganzira dans la zone rurale de Gitega. Ce site se trouve aussi dans une zone appartenant au même institut.
Lors de l’aménagement de ce site, les Commissaires de la CVR et le personnel affecté à cette mission ont rencontré des personnes qui connaissent encore la tradition burundaise de protection des lieux sacrés tels que les cours royales et les sites commémoratifs, notamment les fosses communes.
Ces personnes disposaient d’informations complémentaires à celles déjà recueillies par la CVR dans sa mission de recherche de la vérité sur les périodes sombres qu’a connues le Burundi, mais aussi de réécriture de la véritable histoire du Burundi, longtemps occultée.
Ces lieux ont longtemps été marqués par des arbres mémoires, a révélé MBONINYERETSE Dominique, l’un de ces témoins.
Ces derniers citent, entre autres, « igitongati » qui a été placé vers la partie ouest du site. Ce type d’arbre était surtout planté au coucher du soleil à la fin des cérémonies de deuil pour dire à Dieu les moments douloureux : » Akabi karakarengana n’izuba ! « . C’est-à-dire : » Que le mal passe comme le soleil qui couche ! «
Un autre arbre historique que l’on trouve sur le site de Mashitsi s’appelle » Umumanda « . Celui-ci a été placé au cœur du site. À l’époque de nos ancêtres, ce type d’arbre était planté lors des cérémonies funéraires. En le plantant, nos anciens le considéraient comme un arbre témoin de cet événement : « Wa mumanda we ! Ndaguteye ngaha uzobe icabona c’iki kibanza ».
Noms d’arbres à connotation traditionnelle
La troisième catégorie d’arbres historiques plantés sur le site de Mashitsi est en effet « Umukoni », un arbre auquel on ne grimpe jamais. Cela signifie aux Barundi qu’il y a des choses qu’il ne faut même pas oser faire, y compris blesser son prochain jusqu’à lui ôter la vie. Quant à « Umurinzi », c’est un arbre qui protégeait l’enclos familial et qui était planté près de l’entrée, comme sur le site de Mashitsi.
Umurinzi est également un arbre historique qui n’est jamais grimpé. Même les serpents ne peuvent pas grimper sur ces arbres, disent toujours nos témoins, ajoutant que ce sont des arbres très fragiles qui nécessitent une stratégie pour les transporter. « Inganigani » quant à eux, ce sont des plantes élancées et une fois bien développées, il est difficile de sauter dessus. « Inganigani zimaze gukura kuzisimba ni umugani ».
Ces témoins reconnaissent également qu’il existe d’autres catégories d’arbres qui sont encore visibles dans la nature mais qui sont utilisés à d’autres fins. C’est notamment le cas de » Imivumuvumu,… »
Le site de Mashitsi a été protégé par des « Inganigani » sous une forme incurvée. Ces témoins ont révélé à la CVR qu’à l’époque de nos ancêtres, il n’y avait pas de maisons ou de clôtures en forme de polygone. Mais la modernisation a marqué des changements très remarquables.
Pour rappel, la CVR a exhumé plus de 1 761 victimes du génocide commis contre les Bahutu et des crimes contre l’humanité commis contre les Batutsi et les Batwa en 1972-1973 dans quatre fosses communes sur le site de Mashitsi. Les activités d’exhumation ont été menées en mars 2020.