Les 17 et 18 février 2025, la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) a organisé deux rencontres dans les communes de Marangara (Ngozi) et Ntega (Kirundo), épicentres de la crise de 1988. Ces réunions visent à relancer les enquêtes sur ce conflit meurtrier, tout en encourageant les témoignages pour faire la lumière sur les causes des violences et promouvoir la réconciliation nationale. Un passé douloureux à revisiter pour construire l’avenir.
Au chef-lieu de la commune Marangara, la secrétaire de la Commission Vérité et Réconciliation, Mme Léa Pascasie Nzigamasabo, a insisté sur l’importance de revisiter les traumatismes du passé. «Certains préféreraient oublier, mais nous ne pouvons pas construire un avenir pacifique sans comprendre les causes de nos divisions», a-t-elle déclaré. Elle a comparé cette démarche à celle d’un médecin qui doit d’abord diagnostiquer une maladie avant de la soigner. Pour la Commission , il est essentiel d’identifier les racines des conflits interburundais, notamment les clivages ethniques, afin de bâtir une société unie et apaisée.
« Un médecin doit d’abord diagnostiquer un malade avant de le soigner. »
— Mme Léa Pascasie, secrétaire de la Commission Vérité et Réconciliation à Marangara/Ngozi

« La vérité ne pourrit jamais », a rappelé le Président de la Commission Vérité et Réconciliation , Ambassadeur Pierre Claver Ndayicariye, à Marangara, en saluant le courage des témoins. Ces mots résument l’esprit des rencontres : faire émerger la vérité pour guérir les blessures du passé.
Des témoignages divergents sur les origines de la crise
Les récits recueillis lors des rencontres ont révélé des versions contrastées des événements. Certains témoins ont évoqué des tracts du mouvement rebelle PALIPEHUTU-FNL qui auraient alimenté la peur d’un massacre des Bahutu par les Batutsi. D’autres ont accusé un certain Réverien, un Tutsi de Ntega, d’être en possession d’une arme à feu et d’avoir tué un Muhutu, déclenchant une spirale de violences. Des réunions organisées par l’administration locale en commune Marangara étaient caractérisés par des messages codés qui incitaient à la haine et la panique au sein de la population. Ces divergences illustrent la complexité de la crise, où chaque communauté rejette la responsabilité sur l’autre.

Une des séances d’écoute des témoignages sur la crise de 1988 dans la commune de Ntega/Kirundo
«Les corps des premières victimes ont été jetés dans la rivière Ndurumu, d’autres ont été enterrés dans des endroits devenus des cimetières», ont rapporté des témoins. Ces récits soulignent l’ampleur des violences et la difficulté d’identifier les fosses communes.
Vers une réconciliation nationale
Malgré les divergences, les habitants de Marangara et Ntega ont salué les efforts de la Commission de promouvoir la réconciliation. «Nous voulons vivre en paix, sans distinctions ethniques», ont-ils affirmé. L’Ambassadeur Ndayicariye a appelé les Burundais à devenir des messagers de la paix et de la vérité. «Nous devons léguer à nos enfants un pays réconcilié, et non un pays divisé par les traumatismes du passé», a-t-il insisté. «Ces rencontres ne sont qu’un début», a déclaré le Président de la Commission Vérité et Réconciliation , annonçant la reprise prochaine des enquêtes. La Commission prévoit d’exhumer d’autres fosses communes et de poursuivre les auditions pour approfondir la quête de vérité.
« La vérité ne pourrit jamais. »
— Amb. Pierre Claver Ndayicariye, Président de la Commission Vérité et Réconciliation

Alors que le Burundi continue de se reconstruire, les rencontres de Marangara et Ntega rappellent que la réconciliation passe par la reconnaissance des souffrances passées. La Commission Vérité et Réconciliation , en relançant ces enquêtes, espère non seulement honorer la mémoire des victimes, mais aussi poser les fondations d’un avenir où Hutu, Tutsi et Twa pourront vivre ensemble, unis par une vérité enfin révélée.